Canicule, maringouins et fish&chips: mon épopée de vélocamping sur la péninsule acadienne

Dans les lignes qui vont suivre, je vous invite à revivre avec moi jour après jour, ma petite aventure de cyclo-camping au Nouveau-Brunswick entre Moncton et le Petit-Rocher (400km). Je suis partie de Sherbrooke vers Montréal en bus, puis de la métropole jusqu’à Moncton en train.

Du 18 au 28 juillet 2022, j’ai affronté mes deux pires ennemies: la chaleur et les bibittes. J’ai roulé dans la grosse canicule et j’ai campé parmi les moustiques voraces du Nouveau-Brunswick! Malgré moi, j’étais leur buffet. Vous le devinerez sans doute: je ne suis pas une grande aventurière des espaces sauvages!

Plus sérieusement, j’ai eu beaucoup de plaisir malgré tout!

Cette image n’est pas le trajet exact, mais elle en donne une idée.

Jour 1: Après 20h de train, 27km de vélo entre Moncton et Shédiac sous les grandes chaleurs et avec un vent des maritimes de dos – alleluiah! – me v’là à Shediac 

Les vacances et l’aventure sont  commencées. 

Jour 2: Shédiac-Kouchibouguac, 89km, pas tellement de côtes, c’était plutôt plat.

Après avoir partagé une banquette de train Mtl-Moncton pendant près de 20 heures et un terrain de camping à Shédiac avec un sympathique cyclovoyageur rencontré par un heureux hasard, nos routes se sont séparées aujourd’hui. Gabriel poursuit la sienne vers la Nouvelle-Écosse, je continue au Nouveau-Brunswick. 

Toute qu’une journée!  Parfois de la pluie, du vent de dos, de côté, puis de face, ensuite une belle éclaircie pour les derniers kilomètres, et retour de la pluie après avoir monté ma tente. Fiou!

Là, j’espère que l’averse s’estompe pour aller accrocher mon sac de bouffe à un arbre. Ça l’air qu’un ours est passé par ici dernièrement. 

Malgré un ventre creux puisque je n’ai pas eu le temps de popoter avant la dernière averse, le moral est bon.

Jusqu’à date, les gens rencontrés sont pas mal sympa…et très ouverts!

Une dame à l’épicerie que je questionnais sur la vente d’alcool au Nouveau-Brunswick, nous a révélé que son ex était alcoolique, et que son chum actuel n’était pas bien mieux. À la station d’essence où je me suis arrêtée au sec pendant une heure entre deux pompes, plusieurs automobilistes venus tanker m’ont parlé de leur vélo électrique ou de leur problème de dos. En-tout-cas, mon petit bicycle fait jaser! Ah ah!

Bon bien, je pense que c’est l’heure que j’aille accrocher mon sac à bouffe!

Jour 3: 6km de marche pieds nus dans le sable et 5 km de vélo! 

La grosse vie au camping et sur la Sally’s beach à Kouchibouguac!

Après l’averse d’hier, j’ai donné de l’amour à ma bicyclette ce matin et j’ai fait une brassée de lavage à la main. Mon bagage est minimaliste,  il faut donc que je lave souvent mes vêtements.

Je me suis offert une grosse gâterie au café de la plage cette après-midi: Burger et blizzard! Et je me suis baignée deux fois. L’eau est tellement bonne par ici.

Pour vrai, Kouchibouguac n’a rien à envier aux plages des îles. Je dis rarement voir jamais ça!

Les dunes et les lagunes sont magnifiques, j’ai croisé une gang de phoques qui pataugeaient près de la plage, des sternes sont venues se poser sur la rambarde, et j’ai vu un pluvier siffleur.

Jour 4: Kouchibouguac – Miramichi, 72 km, avec un vent sympathique et une grosse chaleur caniculaire frôlant les 40 degrés. 

La journée a super bien commencée, j’ai traversé environ 12km sur la piste cyclable du parc Kouchibouguac, à l’ombre des arbres. J’ai même croisé un lièvre. 

J’ai ensuite fait un petit détour au dépanneur JMC avant de prendre la route. Je savais que je traverserais plus de 40km sans possibilité de recharge de bouffe ni d’électrolytes. 

Même si la route 11 n’est pas bucolique, je profite d’un vent de dos pour flyer jusqu’à Napan. Je fais un arrêt à l’ombre dans un cimetière à St-Margaret, puis un autre dans un dépanneur-casse croûte à Napan où je paye plus de 5 piastres pour un petit Hot dog grillé ketchup-mayo-oignon. 

Je suis repartie avec des sachets de poivre et de sel pour pimper mon macaroni « Forever Young », et je me dis qu’avec mes condiments, j’en ai eu pour mon argent!  

Ce sont mes vingt derniers kilomètres qui ont été les plus difficiles pour me rendre au Enclosure Campground! Le soleil tape fort entre 12h30 et 14h!

Je dois en plus rouler aux côtés de gros camions qui passent si vite et si proche, au point que je garde les coudes serrés! Ce n’est pas l’fun,  je suis stressée ! 

Alors que je commence à sentir une baisse de pression, une dame gare sa voiture pas loin devant dans l’accotement pour m’offrir du jus d’orange frais! Elle a eu pitié! Wow! Il y a du monde extraordinaire sur mon chemin. 

Après avoir pris une douche, fait du lavage, avoir monté ma tente, je suis allée me baigner avec des familles à la piscine du camping. Fatiguée, les cris des enfants ne dérangent même pas ma lecture entre deux saucettes.

Jour 5: Miramichi -Val Comeau, 90km, dénivelé relativement plat, soleil cuisant et un vent de dos.

Somme toute, ça quand même super bien été comme ride, le vent me poussait joyeusement et je dévorais les kilomètres. J’en ai profité parce que je le sais que cette chance éolienne ne sera pas éternelle ! 

Jusqu’à présent, je ne suis pas époustouflée par les paysages que je traverse, mais j’ai du plaisir à découvrir des pans des cultures locales, parfois ça parle français, d’autres fois anglais 10km plus loin.  L’Acadie est bien visible, et il y aussi des panneaux en micmac.

Si ce n’était pas des mouches voraces, mon coup de coeur du jour aurait été à la plage de l’Anse aux foins, près de Néguac, qui en vaut le détour! C’est un p’tit bout du monde.

Je mentirais si je disais que les moustiques ne me dérangent pas. Le seul spot bucolique où j’ai passé depuis ce matin après plus de 50km de route, est infesté de mouches et de guêpes qui piquent. Je souhaitais pique-niquer à l’Anse-aux-foins, j’ai abandonné le projet. Je suis plutôt aller me mettre à l’abri climatisé au resto Chez Raymond, où j’ai profité de 3 voyages dans leur buffet pour me consoler. La serveuse a eu la gentillesse de remplir mes gourdes d’eau glacée. Sous la chaleur écrasante du midi, l’eau fraiche ne m’a jamais parue aussi bonne! 

En partant du resto, j’ai jasé un brin avec un trucker.  Il me trouvait courageuse de voyager toute seule en vélo-camping, alors que pour moi, le Nouveau-Brunswick ne représente pas ou peu de danger! En le quittant, il m’a lancé:

– Quand je vais te croiser bétôt, m’a appuyer sur le criard.

-OK. Mais pas trop fort, sinon je vais faire le saut!

30 minutes plus tard, tel que promis, il m’a gentiment saluée.

Me voilà rendue à Val Comeau, à deux pas de la plage. L’eau n’est pas aussi belle qu’à Kouchibouguac, mais ça fait du bien de se tremper les pieds après avoir roulé sur le bitume brûlant! 

Aujourd’hui, je me sens un peu seule pour souper. Je sais cependant que la solitude est un sentiment qui se vit aussi entourée de gens. En fait c’est plus douloureux de se sentir seule dans une foule qu’à sa table de pique nique entre des campeurs qui jasent de leur recette de clam chowders ou de leur dernier show électro à Québec!

Jour 6: Val Comeau – Haut Shippagan, 50km, dénivelé plat, vent doux et canicule

J’ai assisté hier soir au magnifique spectacle d’un coucher de soleil sur la baie, avec la trame sonore variée de mes voisins de camping. D’un bord, il y avait de la grosse toune de club – Go shorty! It’s your birthday!- et de l’autre, Cayouche qui se lamente que sa femme est partie au Bingo. Mais la beauté de la nature a repris le dessus. 

Cette nuit, en me rendant aux toilettes,  j’ai marché sous un tapis d’étoiles, et ce matin, je déjeune au son de la mer. 

La journée a super bien commencée, tranquillement, j’ai fait mon petit rituel de cyclocampeuse: démonter la tente, préparer le thé et le gruau, faire ma toilette ( qui consiste principalement à me badigeonner de crème solaire FPS 60 et mettre du déodorant), plier mes bagages sur mon vélo et reprendre la route.

Autour du km 25, dans le coin de Tracadie, j’ai pris la Véloroute de la Péninsule acadienne. Oh! Là, ça commence à être beau! Ça fait du bien d’être éloignée du trafic et de traverser de jolis paysages. 

Arrivée à Shippagan, j’ai fait un arrêt à la passerelle de bois où j’ai jasé avec un sympathique couple de Trois-Rivières. Ils étaient bien impressionnés de mes périples, alors que moi, j’ai toujours le sentiment d’être une patate qui ne roule ni beaucoup ni vite. Je suis loin aussi d’avoir de la veine d’aventurière comme mes ami.es qui font du bikepacking. Je reste sur la route et je dors dans des campings. 

Ça me fait du bien d’être dehors en tout temps, mais je dois admettre que de rouler depuis six jours dans une canicule qui frôle quotidiennement les 40 degrés, je trouve ça pénible, surtout en fin d’après-midi. Sans parler des moustiques acadiens! 

Toutefois, ce n’est pas pour rien que je suis ici. J’ai fait le choix de sortir de ma zone de confort, d’affronter certaines de mes craintes cyclistes et d’explorer de nouveaux territoires. Malgré les inconforts, je suis contente de réaliser ce chemin à vélo!

Enfin, c’est un jour heureux et luxueux: lavage dans une machine!

Jour 7:Journée de repos à Shippagan, 7 km de vélo

Wow! C’est dont bien léger  de rouler sans bagage! J’ai passé toute la journée dans un café climatisé! La canicule et les moustiques auront eu raison de moi, je suis allée me réfugier dans une Aire protégée aujourd’hui. J’ai lu 4 ou 5 hebdomadaires de l’Acadie Nouvelle (les problèmes avec le c.a de Vitalité n’ont plus de secret pour moi), j’ai planifié mes prochaines journées de vélo, je suis passé à travers mes messages courriels, et j’ai fait une petite crise existentielle 

Il y a beaucoup de choses que j’apprécie dans ce voyage, et même celles que je déteste je sais que plus tard elles vont me permettre de relativiser certains défis. J’ai cependant de la difficulté à accepter que sur le coup, les inconforts me donnent des émotions que je juge négatives, comme de l’irritation, de la fatigue ou une certaine forme d’apathie. 

Il reste que j’ai choisi de sortir de ma zone de confort pour mes vacances et que j’aspire à de plus grands défis! 

Les jours de congé sont parfois plus difficiles sur le mental que les jours de vélo! 

Il reste que ça fait un bien fou de recommencer à vivre dehors sous le toit du ciel et des étoiles!

Jour 8: Shippagan – Village d’antan acadien, 48km, dénivelé plat et vent de face ou de côté.

J’ai flyé 30km entre Shippagan et Caraquet, non-stop sur la véloroute! J’étais juste trop contente de quitter le camping et la terreur des maringouins! Normalement, je fais des petites pauses à chaque 15-20km, mais ce matin j’avais le feu aux mollets!

À Caraquet, j’ai fait un arrêt prolongé dans un magnifique café où je me suis régalé d’un smoothie aux fruits et du meilleur bagel au saumon fumé qu’il m’ait été donné de manger! En vélo-camping, surtout seule, les fruits et les légumes frais sont une denrée rare: ils sont trop lourds à trainer et ils se perdent vite. La gestion de la nourriture est quand même plus complexe seule qu’à deux. 

Puis, j’ai continué jusqu’au village d’antan où j’ai dû attendre au kiosque d’information touristique climatisé que l’hôtel ouvre ses portes à 15h. J’aurais pu aller visiter le village, mais un employé était en train de passer la tondeuse,  il y avait donc une flopée de moustiques fâchés. No no. Been there depuis plusieurs jours! 

Arrivée à l’hôtel, on m’apprend que le service de restauration ferme à 16h et que le resto le plus proche à moins de 10km est fermé le lundi. Tant pis, je mangerai des barres tendres pour souper!

Après avoir fait du lavage dans un bain d’époque sur pattes, je suis descendue au bar me commander une bière traditionnelle acadienne : l’aboiteau, une genre de blonde à base d’épinette. Le barman semblait fatigué de répéter sa cassette historique ! À un moment, j’ai entendu de drôles de bruits derrière le comptoir: le monsieur piquait des clous et ronflait là!

Alors que je me préparais à remonter dans ma chambre, l’une des hôtesses en costume d’époque est venue me porter un sac avec des victuailles qu’elle avait réussi à trouver dans le frigo: creton,  galettes, fromage et yogourt. Ce petit geste m’a beaucoup émue. Ça fait un grand bien de sentir que des gens se soucient de nous.

Traverser des paysages qui portent les couleurs de l’Acadie et des noms familiers (Cormier, Çyr, Arseneault…) me fait sentir un peu chez-moi. Je prends conscience de mes racines acadiennes au Nouveau-Brunswick à travers toutes les références communes partagées avec les îles, que ça soit les noms de famille, notre drapeau, notre culture maritime ou la musique! Ce matin au p’tit déjeuner les paroles de la pièce Réveille de Zachary Richard m’ont mis en colère comme jamais auparavant contre les goddams! J’avais les yeux plein d’eau en pensant à ce qu’on vécut nos ancêtres! 

Voici les deux seules photos que j’ai prises de cette journée!

Jour 9: Village d’antan acadien – Bathurst, 61 km, des petites côtes en ville dans le trafic, et un vent souvent de face.

Depuis le début de ce voyage, ce fut sans l’ombre d’un doute ma plus belle journée! J’ai profité du confort du Château Albert ce matin, j’ai été me servir allègrement dans le buffet – vous auriez dû me voir la face devant l’abondance de fruits frais – et je suis repartie vers 10h30am, bien nourrie et bien reposée. 

La route depuis Caraquet commence vraiment à être plus intéressante, entre Bertrand et Bathurst c’est de toute beauté! La route 11 nous donne une vue sur la Baie des Chaleurs, sur des anses et des plages, en plus des ballots de foin et les vieux bateaux de pêche qui ponctuent le paysage! 

Googlemap a essayé de me faire passer par la NB Trail. Je l’ai pris sur 5 km et j’en suis sortie rapidement! C’est un no-no! Il s’agit d’une piste de 4 roues qui nous fait passer dans le bois plutôt que sur la magnifique côte. 

Le trafic à Bathurst n’est pas accueillant, et il n’y a presque pas d’accotement. Mon dernier 4km était stressant, mais je l’ai vite oublié quand je suis arrivée au camping Youghall! C’est très familial, il y a un camion de pompier et des arcades, mais mon terrain est éloigné des campeurs, tout près d’un lac sur lequel j’ai une vue, et surtout, il y a pas mal moins de moustiques par ici! 

Je me suis récompensé ce soir avec de la belle gastronomie familiale: Kraft Dîner et galette à la mélasse du Château Albert.

Jour 10: Journée de repos, aller-retour Bathurst – Petit Rocher (40km)

Je pense que j’ai mangé le meilleur Fish and Ships de ma vie sur le quai à Petit Rocher! 

Jour 11: C’est dans une gare du Nouveau-Brunswick que se termine ma petite épopée de 400km entre Moncton et Petit Rocher, en passant par Shediac, Kouchibouguac, Miramichi, Val Comeau, Caraquet et Bathurst.

C’est la première fois que je partais aussi longtemps en solo pour du cyclocamping.

J’ai déjà fait des boucles de 1000 et 500km en solo, mais je dormais dans des motels cheap ou chez l’habitant. Sinon, ma plus longue aventure de ce type avait été de 5 ou 6 jours, en 2010, entre Souris (IPE) et Inverness (NÉ). 

Je suis pas mal fière de moi, malgré tout! Je sais désormais que j’ai assez de mollet pour traîner tout mon bagage et que je m’en sors assez bien en camping. J’ai besoin de peu pour être confortable. 

J’aimerais un jour partir voyager sans mon cellulaire, réapprendre à m’en sortir avec des cartes plutôt que de dépendre de googlemap et ne plus regarder compulsivement météomédia.

 Je sais aussi que la mécanique de vélo est l’un de mes angles morts 

Une nouvelle aventure va commencer avec Sam dans deux jours: le tour de la partie sud de la Nouvelle- Écosse (autour de 800km en 8 jours). Je me croise les doigts pour que les vents soient favorables et que mes vieux genoux acceptent ce défi! 

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