Je lis et j’entends souvent que je suis soit « courageuse », « bonne » ou « forte » parce que je

roule à vélo en solitaire, plusieurs jours consécutifs, dans des reliefs montagneux (Saguenay, Côte-Nord, Charlevoix) et de façon relativement autonome – ou plutôt semi-autonome, car je suis encore poche en mécano, mais au moins je traîne mes outils et mes bagages. Somme toute, ces mots sont gentils, ils ne sont pas péjoratifs et les intentions sont sûrement bonnes, il n’empêche que je ressens souvent un agacement face à ces compliments. En partie parce que j’aimerais que plus de gens se lancent à leur tour, particulièrement les femmes, et parce que je ne me trouve pas si hot. En fait, je ne me trouve pas hot pantoute! Face aux réactions qu’engendrent ma pratique du vélo en solitaire, je me demande: comment se fait-il qu’en 2016, au Québec, on trouve qu’une femme âgée de 32 ans soit courageuse de pédaler seule en Estrie, au Saguenay-Lac-Saint-Jean ou dans le Centre du Québec? Si j’étais une cycliste afghane au coeur de Kabul, je comprendrais. Mais au Québec?
“The bicycle has done more to emancipate women than anything else in the world. It gives a woman a feeling of freedom and self-reliance. The moment she takes her seat she knows she can’t get into harm unless she gets off her bicycle, and away she goes, the picture of free, untrammeled womanhood.”
– Susan B. Anthony
Tout d’abord, je ne suis pas courageuse. Je ne roule pas par nécessité, je roule parce que

j’aime ça. C’est une passion et j’ai du plaisir, même si des fois je me pogne avec le vent et les côtes qu’il m’arrive d’insulter. Je préfère de loin le mode solo au mode peloton. Rouler les yeux rivés sur la roue arrière de mes co-équipiers ou sur mon compteur ne m’attire pas. Pas plus que les compétitions de cyclisme ou d’ultracyclisme, quoique j’ai beaucoup d’admiration pour cette dernière discipline. Je suis d’ailleurs une fan de Jessica Bélisle, une machine de l’ultracyclisme. Cependant, je reste un chat sauvage de la route. Je suis une natural born voyageuse. J’aime mon indépendance et j’avoue que malgré mon tempérament, je suis bien avec moi-même et ce, même si je chante mal et que mon répertoire musical est très limité.
S’il faut du courage pour rester seulE avec soi-même, est-ce que cela veut dire qu’on a peur de soi? De se faire face? De se parler? Ou a-t-on simplement peur d’avoir l’air seulE? Enfin, quel est notre rapport à la solitude? Pourquoi nous fait-elle peur? Que peut-il nous arriver seulE avec nous-mêmes sur un vélo?
Il arrive que je voyage à vélo avec une amie (Montréal-New York, le Tour du Lac-Saint-

Jean) ou avec mon amoureux (la fameuse Cabot Trail), mais je n’attends pas après personne pour me lancer au coeur de mes rêves cyclistes. Tant mieux si je trouve un match cycliste, sinon tant pis, je me lance pleinement et librement. De plus, jusqu’à présent, j’ai toujours roulé dans des régions considérées sécuritaires: Québec, Canada, États-Unis et Cuba. Bref, il me semble qu’il n’y a rien d’héroïque à rouler entre La Baie et l’Anse-Saint-Jean (Saguenay, Qc)!
Lorsque je préparais mon voyage cycliste à Cuba, plusieurs personnes me suggéraient des agences de voyage ou des tours organisés. Or, pour être franche, les voyages de vélo organisés ne m’attirent aucunement pour la simple raison que je ne vois pas ce qu’ils m’apporteraient de plus. Je n’aime pas l’idée d’être « organisée » par quelqu’un d’autre et de surcroît, le payer pour le faire.
Je suis capable de tracer mon propre itinéraire, lire des cartes géographiques, faire des recherches Google, effectuer des réservations ou squatter chez des amis. J’aime consacrer du temps à ces choses, elles font partie du voyage dont la durée va ainsi au-delà de mes dates de départ et de retour.
Quant au temps que cela demande, je le vois comme un « hobbie ». Pour ce qui est du poids des bagages, l’idée qu’une autre personne les traîne à ma place me parait absurde. De plus, le poids de ceux-ci s’allège de périple en périple. Non seulement parce que je gagne en force et que la qualité de mon matériel s’améliore, mais surtout parce que j’apprends à réduire mes biens à l’essentiel.

À celles et ceux qui me disent que je suis forte de faire des cyclo-voyages, je répondrai que non, pas particulièrement. Je roule à une vitesse modérée et passé 90 km, je dépasse mon cap d’endurance mental. D’ailleurs, il m’arrive de plus en plus de le dépasser.
Pour moi, il fait plus de sens d’avoir mal au cul à pédaler que de faire des plaies de sofa!
Le temps hebdomadaire que je passe sur mon vélo pendant ma saison cycliste rejoint le temps moyen que les Québécois passe devant leur TV par semaine. À ce sujet, on peut lire dans l‘Infopresse qu’en moyenne, les Québécois ont regardé 33,67 heures de télévision par semaine en 2015. Ce constat ne fait pas de moi une meilleure personne, je ne suis pas plus « bonne ». J’occupe simplement mon temps, mon corps et mon esprit autrement que cette moyenne. À chacunE ses intérêts.

En résumé, je ne suis ni courageuse, ni bonne, ni forte. Je suis simplement passionnée d’aventure, de voyage, de découverte, de plein air et de vélo. Également, je suis une fille indépendante et un brin solitaire. Pis j’avoue que j’aime ça « challenger » des côtes et ma p’tite personne. Je tire aussi beaucoup de plaisir à préparer mes aventures, lire des blogues et dessiner mes itinéraires. Nonobstant, je ne suis pas contre les voyages cyclistes organisés ou les défis en peloton! Loin de là. Il y a sûrement un beau « trip » d’adrénaline à rouler en groupe et de nombreuses cyclo-sportives servent de belles causes que j’appuie. J’encouragerai toujours les gens à faire du vélo, que ce soit en solo, en duo ou en groupe. Pareillement, je préfère voir des gens vivre un cyclo-voyage dans un tour organisé que de les voir passer à côté de ces belles opportunités parce que l’aventure solitaire leur fait peur! Le peloton et le tout-compris, ce n’est juste pas pour moi.
Superbe texte…je partage entièrement ton point de vue. J’ai traversé l’Europe et l’Europe de l’est à vélo toute seule en tant que femme, j’ai entendu des millions de fois les mêmes commentaires que tu as reçu…on m’a même demandé quelle maladie mentale je devais avoir pour faire ça toute seule. Je leur ai simplement répondu : »Si on appelle ça une maladie, c’est la plus belle maladie du monde: la passion, celle qui fait battre mon cœur plus fort et me fait sentir vivante ». Bravo à toi, il y a trop peu de femme qui ose le faire de peur de…et merci pour ton texte.
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Wow Mélanie! Merci pour ton commentaire et le partage de ton expérience. C’est notamment pour ce type d’échange que j’ai créé Le blogue de MC. J’aimerais en savoir plus sur ton expérience cycliste en Europe 🙂 As-tu un site, des textes, des videos? MC
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J’ai adoré ton texte!! 🙂 Je suis une personne qui s’entraîne depuis bientôt 17 ans… essentiellement en solo aussi. J’y vois une certaine ressemblance…. C’est une passion aussi et j’adore le faire seule.
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Oui, en effet, il y a un parallèle à faire sur ce qui retient certaines personnes à faire de l’activité physique si elles n’ont pas personne pour les accompagner. Encore là, certaines gens ne trouvent pas en elles la motivation si elles sont seules. D’autres c’est parce qu’elles ont peur d’avoir l’air seule. Au secondaire, on n’a pas le goût d’avoir l’air du « rejet ». Personnellement, j’ai tellement d’intérêts variés, sports, voyages, arts et littérature, que s’il fallait que j’attende de me trouver unE partenaire pour chacune de mes activités, je ne ferais pas grand chose! ah ah!
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