Des fois je suis conne. Ce matin, je n’ai pas été fine envers un inconnu. En pause de vélo, je déjeunais dans un casse-croûte de Saint-Ambroise (Saguenay, Qc) quand un homme a déposé une carte sur ma table. Sur celle-ci on pouvait lire qu’il était « humblement sourd ». Bref,il vendait des petites cartes de charité.
Pour être honnête, cette forme de sollicitation m’a dérangée. Je lui ai donc répondu sèchement en Langue des signes du Québec que je n’avais pas d’argent. Surpris que je communique avec lui dans sa langue natale, il m’a amicalement souri et souhaité une bonne journée. On se sent toujours un peu con d’être bête devant la gentillesse des gens.
Si j’ai eu cette réaction négative c’est parce que, d’une part, il arrive que des personnes entendantes mendient en vendant des cartes avec des dessins de l’alphabet LSQ en se faisant passer pour de « pauvres sourds ». Appelant ainsi frauduleusement à la pitié envers les « sourd-muets ». Dans la pitié envers les sourds et les malentendants, il y a une forme d’audisme, soit l’équivalent du racisme ou du sexisme. À mes yeux, la pitié est un sentiment méprisant. Je lui préfère la solidarité ou l’empathie qui reconnaissant l’autre comme son égal. Toutefois, j’ai vite réalisé que l’homme en question n’était pas un escroc entendant.

Je n’ai pas non plus aimé l’expression » humblement « . Celle-ci renvoie au mot « humilité » qui se définit comme étant : Sentiment, état d’esprit de quelqu’un qui a conscience de ses insuffisances, de ses faiblesses et est porté à rabaisser ses propres mérites. » Pour avoir milité aux côtés de la communauté sourde pendant plusieurs années, s’il y a bien une chose à retenir des revendications culturelles sourdes, c’est que les Sourds ne considèrent pas qu’ils ont des insuffisances par rapport aux entendants. Ils et elles voient plutôt leur surdité comme étant une différence culturelle positive et je partage également cette vision. J’ai eu le privilège de travailler en collaboration avec des membres de la communauté sourde québécoise sur plusieurs

projets artistiques et de recherche. Leur résilience et la force de leur culture m’ont fortement inspirée. Tout comme il y a un mouvement de « Fierté gay » ou de « Fierté Noire », il y a également une « Fierté sourde » consciente de ses richesses. À mes yeux, la surdité n’a pas à se présenter sous les couleurs ternes de l’humilité.
Enfin, vous avez compris que je n’aime pas l’image de mendicité que cette forme de quête renvoie des personnes sourdes. Plusieurs Sourds que je connais sont d’ailleurs gênés par ce type de sollicitation. Néanmoins, force est de reconnaître qu’il y a un réel problème d’employabilité chez les personnes sourdes et ce, même si de plus en plus de Sourds au Québec obtiennent des diplômes d’études post-secondaires.

Alors que je réfléchissais à la façon que j’avais réagi envers ce vendeur sourd, j’ai remarqué que mes voisines de table lui avaient acheté de jolis macarons. Je ne pouvais pas rester avec mon sentiment de honte et de culpabilité. Et puis, j’aime les jolies choses. Je suis donc retournée le voir pour regarder son choix de macarons et surtout, pour m’excuser. J’ai finalement opté pour le symbole I love You en American Sign Language. Quand je lui ai fait remarquer qu’il n’en avait pas en Langue des signes du Québec, il a été joyeusement surpris de ma remarque culturelle. Il s’en est suivi une courte conversation et quelques blagues, car on rit beaucoup chez les Sourds!
Finalement, je suis contente d’avoir suivi ma conscience. Désormais, j’ai un macaron symbolique qui me suivra dans mes périples cyclistes, bien accroché au petit bagage de mon vélo! Cet objet va me rappeler de rester polie et gentille envers les gens, même si je n’approuve pas à prime abord leurs gestes où ce qu’ils peuvent sembler représenter. Ce macaron je ne l’ai pas acheté de la main d’un quêteux ni d’un charlatan qui fait de la mauvaise publicité aux Sourds. Je l’ai acheté de Christian, un gars souriant de St-Ambroise. Malgré ma première réponse sèche, il m’a accueillie avec un grand sourire. J’imagine que ça du lui faire plaisir d’avoir un brin de conversation allant au-delà de « merci » et « bonne journée. En-tout-cas, moi ça m’a fait du bien d’aller m’excuser et d’aller au-delà de mes préjugés. Même si ma réaction était fondée sur des valeurs positives, j’ai été conne de réagir de la sorte parce que j’ai été méprisante envers un autre humain dont je ne connais pas l’histoire. #bekind

Je changerais le titre de ton billet pour « Des fois je suis impulsive ». Être impulsive, c’est radicalement différent qu’être conne, à mon humble avis.
Surtout si tu poses les gestes pour rectifier les erreurs que ton impulsivité te fait commettre.
My two cents…
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Merci pour tes deux cennes Francis. Cependant, même si je comprends la différence entre le terme « conne » et « impulsive », je ne dirais pas que ces deux mots sont « radicalement » différents. Du moins, on peut impulsivement être con 😉 Je préfère encore le mot « conne » parce que c’est celui qui m’est venu à l’esprit lorsque j’ai repensé à l’attitude que j’ai eue en premier lieu. Je me suis sentie conne avec toute la violence à laquelle ce terme renvoie.
Au plaisir d’échanger.
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