Même en voyage, il y a des jours de merde. Le 12 janvier 2016, à mon Jour 17 de vélo à Cuba, j’écrivais dans mon journal de bord : « Je l’avoue, ce matin, j’ai peur du vent qui souffle à dégarnir les palmiers. J’ai presque envie de pleurer tellement ça me décourage. Je termine ce voyage sous une température caca. J’aimerais quitter Guanabo et rouler 70 km pour me rendre à Matanzas, mais j’ai bien peur de faire du vélo stationnaire sous une pluie diluvienne. En plus, selon ce que je vois, le sale vent, bien je l’aurais de face. »
Quelques heures plus tard, je reprenais ma plume: « Voilà 2h30 que j’attends et que j’espère ardemment que la température tourne en ma faveur, mais ce moment miraculeux n’arrive pas. Je pourrais profiter de cet espace temps pour faire quelques exercices de musculation, du yoga ou lire, mais je suis dans une sorte de léthargie. Je me sens frustrée et découragée, mais je n’enrage pas. Pas encore. J’ai le moral épuisé et je déteste ce sentiment. Je me sens coupable de ne pas être optimiste et pro-active. J’essaie de me raccrocher à l’image de Mike Horn ou de Mylène Paquette qui ont vécu des moments émotionnels semblables, sur une bien plus grande échelle de risque, on s’entend (ces deux auteurs font d’ailleurs partie de mon Top 10 de livres d’aventure). Je me dis : Ok, c’est bon, ça fait partie des défis de l’aventure : l’attente.
On pense souvent à tort que le plus difficile dans un cyclo-voyage c’est le nombre de kilomètres à parcourir, la température ou les dénivelés,
mais selon mon expérience, c’est l’attente ou les sentiments d’impuissance et d’immobilité qui sont les plus durs à supporter.
La culpabilité m’étouffe. J’aimerais terminer ce voyage dans la joie, sur une belle note positive et philosophique. Quand j’imaginais mes derniers kilomètres à parcourir, je me voyais toute sourire, euphorique, enivrée de fierté et d’endorphines. J’étais loin de me projeter en train de maudire la météo dans la chambre d’une casa à regarder un luminaire laitte. »
J’ai finalement pris le taxi entre Guanabo et Matanzas. Voici le statut Facebook que j’ai partagé à mon arrivée :
« Aujourd’hui j’ai pleuré. J’ai pleuré parce que la pluie torrentielle et les vents qui décoiffent les palmiers ont eu raison de ma motivation. J’ai donc pris un taxi pour parcourir les 70 derniers kms entre Guanabo et Matanzas. J’ai eu peur de ne pas être physiquement en mesure de faire le chemin, j’ai eu peur que les voitures ne puissent me voir en raison de la visibilité réduite par cette quasi tempête tropicale. Alors, j’ai payé un prix déraisonnable pour me rapprocher de l’aéroport, car je pars le 14 janvier au matin. Et juste pour enfoncer le clou encore plus profond, à mi-chemin, j’ai vu des cyclistes affronter un climat hostile dans lequel moi je n’ai pas eu le courage de me lancer. Peu importe le nombre de kilomètres qu’ils ont parcouru et qu’ils soient mieux équipés que moi (je n’ai même pas d’imperméable ni de casque de vélo), eux ils étaient sur leur vélo et pas moi.
J’ai pleuré de terminer mon périple sur une note qui n’est pas représentative de tout ce voyage et de tous les kilomètres (735 au total) parcourus à vélo. Bref, j ai pleuré.
Je partage ce statut même s’il n est pas plein de joie, de beau et d’optimisme, parce que ca fait aussi partie du voyage et de l’aventure. Il y a des bouts plus durs…pi ça l’air qu’ils nous font grandir! »
Avant de me coucher, j’écrivais ces deux dernières lignes dans mon journal : « Finalement, j’ai terminé la soirée avec deux sympathiques allemands et j’ai bu deux bières! Comme ça fait du bien! Ce dont j’avais besoin au bon moment! » Comme on dit en anglais: The right thing come at the righ time!
Somme toute, je devrais sans doute arriver à une belle morale pour conclure cette journée à Cuba où ça ne me tentait pas de pédaler, mais je n’en ai pas. Ce que j’en retiens par contre, c’est que je prenais beaucoup trop au sérieux le défi que je m’étais lancé consistant à parcourir chacun de mes kilomètres à vélo et ce, peu importe la température. Je suis partie seule, avec mes propres moyens, sans aucun commanditaire ni liée à aucun média, je n’avais donc aucun compte à rendre à personne. Il n’y a rien d’exceptionnel à faire 735 km de vélo en solitaire à Cuba: des centaines de gens le font chaque année. Je n’étais pas en route pour un record Guinness ni une Coupe du Monde, alors pourquoi me suis-je autant emportée contre moi-même? Quand j’y repense aujourd’hui avec du recul, je me dis que j’ai peut-être trop lu de littérature d’aventure. D’une certaine façon, je voulais être à la hauteur de mes héros et surtout de mes héroïnes (voir À l’assaut les filles!).
Malgré cette petite défaite, celle de ne pas avoir pédalé le dernier tronçon entre Guanabo et Matanzas, j’ai encore la tête pleine de projets et le coeur optimiste de repartir pour de plus grandes aventures! Pour terminer, je vous partage ce petit vidéo de 4 minutes où je me suis filmée dans l’attente que Dame Nature soit clémente. Même si c’était plate, c’est aussi ça l’aventure: faire face à soi-même!
Pour en lire davantage sur mes aventures et mésaventures à Cuba, je vous invite à consulter: Journée de fails, Pleurer devant une tasse de lait chaud, Cuba à vélo en 5 étapes et Retour sur ma dernière nuit à Cuba.
Bonjour,
Si j’avais découvert ce blog quelques jours plus tôt, j’aurais pu passer vous dire bonjour. J’ai fait la véloroute des bleuets la semaine dernière. 🙂
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Oui! D’ailleurs, nous avons accueillis nos premiers warmshowers en fin-de-semaine. Nous avons une chambre de cyclistes pour les visiteurs 🙂
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