Partir à l’aventure libre de fard et de complexe

Partir plusieurs semaines en excursion, qu’il s’agisse de faire de la randonnée, dvélo ou du kayak, nous ramène (la plupart du temps) à nos besoins essentiels: manger, déféquer, boire et dormir, idéalement dans un endroit sécuritaire. Comme la plupart des femmes nord-américaines, je porte quotidiennement le fardeau de mes petits – et grands – complexes, des préoccupations d’ordre esthétique et le poids d’un large éventail d’accessoires et de vêtements. Cela fait d’ailleurs deux ans que je ne me suis pas acheté de costume de bain parce que chaque visite dans une cabine d’essayage me donne plus envie de brailler que de me baigner. Je le sais que c’est con, mais on on vit dans une société bourrée de conneries nocives pour notre estime de soi et je fais partie de cette connerie. Le capitalisme se goinfre de nos insécurités.

Toutefois, lorsque je pars en expédition, je laisse à la maison mon kit d’apparats et mes complexes, afin de m’en tenir au confort et à ce que je juge essentiel. Puisque je porte mes bagages à la « backpacker style » ou dans des sacoches de vélo, j’ai intérêt à ne pas traîner une poche de hockey remplie d’artifices. Je garde le souvenir très profond de la fois où en revenant d’une journée de marche ardue sur Compostelle, j’ai réalisé que mes seuls soucis corporels des dernières semaines étaient de bien m’hydrater les pieds pour ne pas avoir d’ampoules, de me mettre de la crème solaire pour ne pas brûler sous le soleil espagnol, de guérir mes tendinites et de masser mes muscles endoloris. Bref, j’étais en mode prévention, guérison et bien être. Quant à mon choix vestimentaire, il se résumait à porter LE t-shirt propre – ou du moins le plus propre –  et pour le pantalon, je n’avais d’autre choix que de remettre jour après jour (53 au total) le seul à ma disposition, qu’il me fasse des grosses fesses ou non. Après un mois de marche sur le « camino » français, j’avais décidé d’alléger mon sac à la porte de Saint-Jean-Pied-de-Port et d’y laisser, entre autres choses, mon rasoir et mon déodorant. Finalement, c’est surtout mon esprit que j’ai aéré!

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Durant ce pèlerinage, le regard que je portais sur mon corps s’est complètement transformé. Il n’était plus une surface d’apparence, de beauté ou un objet de désir, il était devenu à la fois mon moyen de transport et ma maison. Là-dessus, je paraphraserai Ronda Rousey : » there’s not a single muscle on my body that isn’t for a purpose ». Et ce « purpose » lorsque je suis en excursion n’est pas de plaire. J’ai vécu des sentiments d’unicité et de reconnaissance formidables envers chacun de mes muscles et de mes organes vitaux dans des moments d’efforts physiques intenses. Je pense entre autre à ma montée des fameuses côtes de la Cabot Trail à vélo. Arrivée au sommet, à bout de souffle et euphorique, je ne faisais qu’un avec un corps rempli d’endorphines! Que je sois suintante, puante et décoiffée m’importait peu. Ce qui comptait, c’est que je sois parvenue à surmonter ces défis physiques et psychologiques.

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Je reconnais que malgré tous ces beaux instants et toutes les réflexions profondes qui ont émergé de mes voyages, lorsque je rentre à la maison, je rentre également dans le moule occidental. Les petits démons du superficiel ne tardent pas à revenir cogner à la porte de mon esprit. Même si je ne porte pas de talons hauts, ni de maquillage ou de faux ongles,  je porte à ma façon le fardeau du corps féminin nord-américain. Toutefois, il y a désormais une voix intérieure qui me rappelle, de temps à autre, de vivre et de respirer en unisson avec mon corps. Je trouve qu’il y a quelque chose de miraculeux juste dans le fait d’être vivant: « Il n’y a que deux façons de vivre sa vie : l’une en faisant comme si rien n’était un miracle, l’autre en faisant comme si tout était un miracle », Albert Einstein.

Toute cette réflexion provient de ma dernière lecture: « Tracks », de Robyn Davidson, une aventurière qui a traversé près de 3 000km dans le outback australien en compagnie de 4 chameaux et un chien. Je termine donc sur un extrait de sa bio-aventure:

« I probably looked like a senile old relict in fact, with my over-large sandals, filthy baggy trousers, my torn shirt, my calloused hands and feet and my dirt-smeared face. I liked myself that way, it was such a relief to be free of disguises and pretiness and attractiveness. Above all that horrible, false, debilitating attractiveness that women hide behind. I pulled my hat down over my ears so that they stuck beneath it : « I must remember this when I get back. I must not fall into that trap again. I must let people see me as I am. Like this? Yes, why not like this. » Tracks, Robyn Davidson, 1980,  p. 200

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