Le samedi 30 septembre 2017 se tenait la deuxième édition de l’Ultra Royal, une course d’ultracyclisme organisée par le Regroupement d’Ultracyclisme du Québec. Cette épreuve réservée aux morduEs de vélo traverse le fameux chemin du Roy sur 306km entre Repentigny et l’Île d’Orléans. Cette année, treize participantEs étaient inscritEs, onze étaient sur la ligne de départ, deux ont abandonné en cours de route, deux autres n’ont pas réussi à franchir la ligne d’arrivée dans le temps imposé, et donc sept participantEs ont réussi ce défi. Mon homme fait partie de ces derniers. J’avoue que je ne suis pas peu fière de lui (par ici si vous avez envie de lire son périple en solo dans les Pyrénées), c’est pourquoi je vous invite à lire son captivant récit de l’Ultra Royal.

« L’aventure commence dès le vendredi puisque je cours au boulot afin de partir de Magog le plus tôt possible pour rejoindre mon acolyte cycliste Paul Morin sur l’Île d’Orléans. Nous laissons ma voiture sur l’île et nous repartons avec la sienne en direction de Repentigny. C’est la galère dans le centre-ville de Québec où nous nous perdons pas moins de trois fois en allant récupérer notre partenaire Geneviève Healy. Une fois passé le trafic, nous arrivons finalement à Repentigny vers 21h. J’ai de la difficulté à me coucher tôt puisqu’on dort chez un vieil ami à moi et que je suis enthousiaste de le revoir. Somme toute, je réussis à me coucher vers 22h30. La fatigue de la route en a valu la peine puisque demain matin nous serons à seulement 10 minutes du départ.
Je me réveille 10 minutes avant mon cadran après un cauchemar où je me réveillais aux-îles-de-la-Madeleine, à 15 heures de route du point de départ. Bon, pas de panique. Il est 5heures du matin, je devrais réussir à me rendre au fil de départ à temps contrairement à mon rêve. Quatre sachets de gruau sans-gluten plus tard – je suis intolérant au gluten et aux produits laitiers, conséquemment il faut que je prévois mes plats lorsque je suis à l’extérieur de la maison et plus particulièrement lors d’une compétition – et hop! Nous nous mettons en route.
Nous sommes les premiers arrivés sur le site, mais nous restons cloîtrés dans la voiture de Paul afin d’éviter le plus longtemps possible le froid glacial matinal. J’hésite longtemps sur mon habillement pour finalement mettre toutes les couches que j’ai amenées. Ce qui fût une bonne décision. Les supporters de Guillaume Bolduc – qui sera d’ailleurs le grand gagnant de cette deuxième édition – portant fièrement le gilet de flamands roses, nous crie à tous les cinq premiers kilomètres : « il reste juste 305km », « il reste juste 304 km », « il reste juste 303km »…Ça va hein, on a compris! J’essaie de ne pas trop forcer sur les 45 premiers kilomètres et j’arrive frais au premier ravito.

Arrêt éclair au premier ravito que je trouve beaucoup trop près du départ. Je pensais même le skipper. J’enlève une couche et cette pause me permet en fin de compte de repartir avec un groupe de cyclistes plutôt que seul. Paul et Geneviève sont rapides à repartir également, nous sommes donc quatre à rouler ensemble puisque Louis, le coloré participant au vélo Specialized vert-jaune-et-blanc, est avec nous. On s’aperçoit assez vite qu’il est costaud. Avec une seule vitesse sur son vélo, je me demande: comment il fait pour être aussi rapide? Son vélo grince et émet un son de motocyclette à chacun de ses coups de pédales. Nous travaillons à quatre pour combattre le vent qui semble contre nous. Je crois que je m’épuise plus durant les relais de One-Gear-Louis que durant mes propres relais à l’avant.

Juste avant Trois-Rivières, nous prenons le mauvais tournant à un rond-point. Nous sommes tous trop concentrés sur nos pédales pour contester le sens de l’orientation de Paul. En embarquant sur l’autoroute, il nous reste quand même assez de lucidité pour rebrousser chemin. À notre retour, nous croisons le peloton des frères Dutil et de Roberto Poulin. Je suis optimiste à l’idée de rouler de nouveau aux côtés des Dutil avec qui j’ai roulé un bon tronçon lors de la première édition. Michel Dutil m’avait d’ailleurs attendu durant mes moments creux en 2016 et j’en garde un bon souvenir. Nous ralentissons donc pour leur permettre de nous rejoindre. Roberto nous rattrape et nous dit de continuer notre chemin car les frères Dutil préfèrent rouler à leur rythme, Michel serait blessé. Nous repartons!

Après quelques kilomètres, Roberto nous rejoint de nouveau et il roulera avec nous. Ça devait être positif, mais pour moi c’est plutôt une mauvaise nouvelle. Il y a désormais deux chevaux qui nous tirent à 34 km/h dans le vent alors que mon rythme tourne autour de 30 km/h, comme celui de Paul et Geneviève. Je suis dans le orangé, voir rouge…. Depuis le kilomètre 75 que je m’accroche. Je me dis que je continue jusqu’au ravito No 2 et qu’ensuite je roulerai à mon rythme. Kilomètre 105: encore une heure à tenir le rythme, mais je n’y crois plus vraiment. Les avant-bras appuyés sur le guidon pendant que je donne mon relais, je m’efforce d’être le plus aérodynamique possible pour ne pas trop retarder le groupe.
Au bout de 115 kilomètres, Paul demande un arrêt express. Merci Paul! Ça m’encourage de penser qu’un cycliste aussi aguerri peut ressentir la même douleur que moi! Un petit chips pis 2-3 gorgés d’un Pepsi bourré de sucre et de caféine, et voilà! Je suis prêt à me relancer! Ça dure un gros cinq kilomètres et je retombe à plat. Les deux taureaux sont définitivement trop forts. Je m’accroche et je me rends jusqu’au ravito No 2, 135km de faits.

Pendant le ravito les questions fusent: est-ce que je continue seul? Sinon, je ne tiendrai pas à ce rythme. Je mange encore des foutus bananes et je bois un Coke dans l’espoir de m’en sortir. J’amène même un gel pour plus tard alors que je n’en prends jamais d’habitude. J’essaie de me désister, mais inconsciemment l’esprit de groupe me tire et j’embarque dans le peloton : erreur! Je suis encore au-dessus de mes moyens. Je sens que Geneviève et Paul veulent décrocher, alors j’attends de voir qui sera le premier pour qu’à mon tour je décroche et que nous puissions former un peloton de trois. Ça n’arrive pas, ils ont trop d’endurance. Je suis donc le premier à lâcher dans les côtes de Deschambault. Le groupe est sympathique, ils m’attendent au-dessus de la côte, mais je suis content d’être seul. Je ne fais aucun effort pour les rattraper et je coupe les moteurs. Ils finissent par repartir. Je suis détruit et nous sommes seulement au km 175.
Il fait chaud avec mon gros manteau noir. Je mange tout ce que j’ai sous la main. Je me dézippe de partout, je me couche sur mon vélo et je cris des sons qui ne veulent rien dire. Je ne sais pas pourquoi, mais ça m’aide à affronter le mur qui est en train de se présenter. Tout d’un coup, Bob Marley se pointe avec moi dans mon petit peloton solitaire. « Emancipate yourself from mental slavery! » Les campagnards ont droit à tout l’étendu de mon talent vocal. Je chante une phrase sur deux, je m’essouffle, mais j’ai du fun même si je suis un peu troublé. Après deux-trois couplets je reprends vie. Bon pas la forme de vie la plus évoluée du règne animal, mais une forme de vie quand même. Je roule maintenant 24, puis 25km/h. Aurélie dans la voiture d’accompagnement me soutient et j’entends ses encouragements dans mes oreilles sur quelques kilomètres.
Puis, surprise! Geneviève et Paul me dépassent! Je ne savais même pas qu’ils étaient derrière. Ils ont dû s’arrêter. Nous avançons fort. Je reprends ainsi le rythme. Le vent a même tourné au sens propre autant qu’au figuré. Nous nous arrêtons au ravito No3 au kilomètre 214 où je fais connaissance avec leurs familles qui les attendaient. Je sais maintenant que je me suis relevé et que je me rendrai jusqu’au bout.

Nous roulons solide et ce, même au travers des travaux interminables. La vue sur le fleuve sous le soleil d’automne est magnifique. Après avoir bien monté la côte à Gagnon qui m’avait été présentée comme une colosse, j’ai confiance en mes moyens. Elle n’était pas si difficile. Paul perd sa lampe pour une troisième fois depuis le départ, sauf que cette fois il ne la retrouve pas. Il va abandonner puisqu’il ne pourra faire le tour de l’île sans. Mauvaise nouvelle, nous devons continuer sans lui. Geneviève et moi sommes un bon team même en l’absence de Paul. Impressionnante la coureuse d’ultra-trail! On se rend à l’entrée de l’île comme des champions. Je m’occupe de tirer sur la route jusqu’au-delà de Cap Rouge alors qu’elle nous dirige dans la ville de Québec. J’avais peur de me perdre même si l’Ultra Royal a fait une pas pire job de marquage au sol.

Somme toute, j’arrive plus tôt que l’an dernier au contrôle. Ce sera ma petite victoire puisque le contre-la-montre sera un échec. Mes jambes n’aiment pas la première côte de l’île mais fonctionnent quand même bien sur les quinze premiers kilomètres. Position CLM, couché sur le vélo, j’alterne les positions. Parfois les mains dans les drops, je roule du 33 km/h. Précision, j’imagine que je roule à 33 km/h en me fiant au ratio cassette parce que mon compteur m’a lâché. Je perds ma lampe, je dois donc rebrousser chemin pour la retrouver. Ouf! Par chance, je la retrouve et j’ai une petite pensée pour Paul. Cinq minutes de perdues dans le beurre. Je relance la machine en me disant que je peux peut-être encore améliorer mon temps de l’an dernier. Cinq minutes plus tard, je sens que mon popotin sautille. Ah non! Crevaison! J’ai eu une seule crevaison en 7500km de roulés cette année, et la deuxième arrive maintenant. Pas de chance.
Geneviève me rattrape et me dit que nous nous reverrons tantôt. Elle semble confiante que je la rattrape parce qu’elle dit ne plus avancer. C’était sous-estimer ma perte de motivation suite à ma crevaison. Je n’ai plus le goût de pousser sur les pédales. Je profite de la nuit qui est tombée avec le froid qui l’accompagne. Ok, je ne profite pas du froid, mais l’expérience nocturne est intéressante. J’arrive au chemin du Mitan à vitesse petit V. L’indicateur low batt de ma lumière apparaît alors que celui de mon énergie était allumé depuis un méchant bout. J’espère que ma lumière pourra rouler aussi longtemps que moi. Je me mets à craindre le pire. J’imagine que Sylvain Grenier, l’organisateur, a ramassé son stock et qu’il a fermé boutique. Qu’est-ce qui va m’arriver dans cette noirceur si je perds ma lumière et que la voiture-balai n’y est plus? Je diminue l’intensité de ma lampe par précaution.
Finalement, je réussis à me rendre à l’arrivé où l’on m’annonce mon temps avec enthousiasme. Je ne l’ai pas retenu, anyway ça fait déjà plusieurs kilomètres que je me fous de mon temps. Après tout, 308km en une journée c’est un bel exploit peu importe le temps. J’ai fait de belles rencontres et j’ai roulé avec des gens que je considère de plusieurs niveaux supérieurs au mien. J’en ai fait du chemin depuis la première édition. J’ai même terminé le Défi des 21, une épreuve que je voyais comme impossible. L’Ultra-Royal m’a propulsé l’an dernier, cette année il m’a rappelé qu’il n’a jamais rien de facile. Au final, ça aura été une expérience enrichissante.
À bientôt épreuves cyclistes, là je prends le temps de mettre le moteur sur le throttle!

Très beau récit Samuel. On se revoit l’an prochain.
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wow super récit !!! mais tu as oublié d’écrire que j’ai pris la peine de venir te voir afin de te dire que je « fermait boutique » héhé félicitation, effectivement c’est pas tout le monde qui peu se vanter d’avoir fait Mtl-qc + ile d’Orléans d’une traite !!! watch out le parcours l’en prochain héhé 🙂
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