Par MARIE-CLAUDE PARADIS-VIGNEAULT
Du 19 au 22 juin 2020, j’ai roulé près de 300 kilomètres sur une boucle presque complète – « presque » parce que j’ai eu quelques badlucks qui ont écourté de 25 kilomètres mon trajet – en partant de Sherbrooke. C’est sous une canicule frôlant les 40 degrés celsius que j’ai grimpé plus de 2 000 mètres de dénivelé positif en passant par les côtes de la route 161 entre Stratford et Lac Mégantic, la 214 et la 108 jusqu’à Cookshire-Eaton, tout ça, en trainant pas loin de 30 livres de bagages à l’arrière de mon vélo hybride mauve. Ce fut une modeste aventure qui m’a donné la confiance pour en réaliser de plus grandes. Je vous propose dans ce billet quelques-unes de mes astuces pour préparer un cyclovoyage, ainsi que des anecdotes, incluant mes p’tites malchances!

Tout d’abord, pour la préparation mentale, je passe beaucoup de temps à dessiner des trajets sur Googlemap et j’essaie de trouver des compromis distance-dénivelé intéressants. Ça m’aide de pouvoir visualiser le nombre et le type de côtes que j’aurai à gravir, et d’avoir une idée où je pourrai arrêter pour m’approvisionner sur le chemin en Gatorade, hot dogs, chocolat et barbotine. Allez-y, jugez ma diète de cycliste! Par exemple, au jour 4, je savais qu’entre Scottstown et Cookshire, je roulerais 40 kilomètres sans croiser d’épicerie, de cantine ou de dépanneur, j’ai donc fait mes provisions à Scottstown, et j’étais préparé mentalement à faire un long bout sans arrêt dans un commerce climatisé.
Quant à la préparation physique, j’ai peu à dire là-dessus. Je ne fais aucun entrainement particulier. Je pratique le vélo urbain quatre saisons, je fais quelques sorties cyclistes par semaine (entre 40 et 80 km), et je m’adonne à d’autres activités physiques (course, yoga, randonnée…). Cependant, selon moi, le cyclo-camping est d’abord et avant tout une passion pour des mordu.e.s d’aventure et de vélo plutôt qu’un trip de performance sportive. Peu importe notre condition physique, à moins d’être malade ou d’avoir un handicap qui nous prive des joies du cyclisme, je pense que le cyclo-camping est accessible pour toute personne motivée par ce mode de vie.
Asteur, voici ma réponse à l’une des grandes questions essentielles de l’aventure cycliste: quoi apporter?
Pour les vêtements, tout entre dans un petit baluchon. En image ci-dessous, voici ma garde-robe pour cinq jours de cyclo-camping. Ce sera le même bagage que pour deux ou trois semaines. En gros, j’amène deux ensembles de vélo et des vêtements amples pour le off-bike. Les mots clefs qui orientent mes choix: pratiques, confortables et légers. L’une des premières choses que je fais lorsque j’arrive au terrain de camping, après avoir monté ma tente, c’est mon lavage!
– Souliers à clip et souliers de toile (Pas de sandales, les piqûres d’insectes me rendent folle!)
– 2 paires de bas
– En cas de pluie: un imperméable et des couvre-chaussures
– Ma casquette et des gants de vélo
– 2 cuissards
– 2 tops, 1 à manche courtes et l’un sans manche, avec poches de rangement
– 1 pantalon et un t-shirt ample pour les soirs et jours de congé cycliste
– 2 brassières sport
– 1 bas de costume de bain (Le haut sera l’une de mes brassière)
– 1 boléro
– 1 jacket sport manches longues
Dans le reste de mes bagages, on retrouve:
- Pour la cuisine: un kit Woods (chaudron, plat, tasse), un ustensile 3 dans 1, du propane, de la bouffe lyophilisée, des barres tendres, des fruits séchés, du gruau, des jujubes, 2 bouteille d’eau, et de la tisane pour commencer doucement la journée. Je fais aussi des arrêts au dépanneur et à l’épicerie sur la route. Dans mon prochain périple, il faudra ajouter de l’huile d’olive et du savon à vaisselle pour les fois où on se fera autre chose que du lyophilisée.
- La chambre à coucher: une tente, un matelas gonflable, un sleeping bag, et je me fais une taie d’oreiller avec mon sac de vêtements.
- La toilette: une mini serviette, de la crème solaire et de la crème antimoustique, du gel post-piqûres, un savon 3 dans 1, un déodorant, une brosse et de la pâte à dents, ainsi que des bouchons à oreilles. Je me démêle les cheveux à la main, pas de brosse ni de peigne, ça me fait une chose de moins à traîner!
- Mécano: Au moins deux tripes de rechange, une pompe d’urgence, un multi-outils, un couteau suisse, des cuillères de vélo, et une lampe frontale. D’ailleurs, un pneu de rechange ne serait pas un luxe lors de ma prochaine aventure.
- Pour mes temps libres: Un calepin de notes et à dessins, des crayons et un aiguisoir, et un livre d’aventure(Mike Horn ❤) pour rêver plus.
C’est donc avec tout ce matériel, beaucoup d’enthousiasme et un peu d’appréhension, que je suis partie à vélo le vendredi 19 juin, à 6h40 am, de Sherbrooke vers le parc National Frontenac!
Jour 1: Sherbrooke -Parc National Frontenac, secteur St-Daniel. Autour de 115km.
Départ à 6h40am, arrivée à 15h00. Sur la route, je fais une pause à Weedon pour un lunch de trucker, à Disraéli pour une sieste du midi au cimetière et un gros sundae, puis à 3 kilomètres du parc, stop au dépanneur pour une recharge de sucre: Gatorade, Mr. Freeze et bonbons!
Dès mon arrivée au parc, je me pitche dans l’eau. Il n’y a pas de mot pour décrire le plaisir d’avoir les pieds dans un lac après une journée aussi brûlante!
Le Parc Frontenac est magnifique! C’est sans aucun doute l’un de mes préférés au Québec (SEPAQ). Le sentier du littoral offre 16km de vélo sur le gravier et dans le bois, avec vue clairsemée sur le lac. J’y ai rencontré plusieurs animaux: une petite grenouille verte, un lièvre, un jeune cerf, une maman oiseau avec ses petits qui rebondit son derrière de manière amusante lorsqu’elle chante!
Les couleurs pastels du coucher de soleil sur le lac, c’est soooooo romantique avec mon Samuel qui est venu me rejoindre en début de soirée après le boulot. Le pauvre, il est parti à midi de Sherbrooke et il a du rouler sous le soleil tapant et à l’heure du traffic sur la 112. À la tombée de la nuit, je suis soufflée de beau les yeux plongés dans le ciel étoilé, émerveillée au passage de petites lucioles!
Ça été une bonne journée, chaude (ressenti autour de 37-38), avec quelques montées. La 112 n’est pas ma route préférée, trop de traffic, mais j’étais dans le mood aventure, j’ai donc eu bien du plaisir.
Jour 2: Parc National Frontenac – Baie des Sables, 90km, et ben de la côte!
Je vous propose pour cette journée la version de Samuel, que vous pouvez d’ailleurs suivre sur sa page Facebook Les aventures sportives de Sam Potvin:
« On prend ça relaxe mais on part quand même tôt pour éviter la chaleur. MC est déjà partie alors que je finis de me préparer. C’est notre tactique pour se croiser sur le chemin. Quarante-cinq minutes plus tard, je la rattrape dans une côte. On jase un peu et on se donne rendez-vous pour déjeuner à Disraeli.
Le temps que j’essaye tous les restaurants fermés, MC arrive. On se tape finalement un « beau » déjeuner de sandwichs au dépanneur. Ensuite, on repart et on réussit à rouler 45 minutes ensemble, pour se séparer à nouveau dans les côtes et se rejoindre au dépanneur de Stratford.
Je suis prêt à repartir lorsque MC arrive. On se quitte de nouveau. Pis là, la chaleur pogne pour vrai et il y a des côtes de fou! Avec le poids des bagages c’est ardue. J’arrive à sec d’eau à Stornoway. Je fais 2-3 tours de village (comprendre ici: monter 2 fois une côte de 500 mètres ) pour constater que les deux dépanneurs sont fermés. Je me ravitaille donc aux toilettes publiques où une affiche indique que l’eau est non potable. Bon, je me rabats sur la cabane à patates et c’est alors qu’arrive MC. Petit dîner « gastronomique » de frites et de hot dogs en sa compagnie, avant de repartir vers le camping Baie-des-sables et finalement, se tremper dans l’eau froide de la plage. »
Jour 3 et 4 : Baie-des-sables – Cookshire- Eaton, environ 80 kilomètres, et deux badlucks
La troisième journée, Samuel repart à Sherbrooke, quant à moi je prends une journée de congé de vélo pour profiter de la plage, lire, méditer, faire du lavage et des p’tits dessins. L’emplacement est bucolique, la plage est située dans une baie qui nous offre une vue sur les montagnes de Mégantic, mais c’est également un endroit public très prisé, comprenant de nombreux amateurs de Seadoo, de bateaux à moteur et de choses bruyantes.
La quatrième journée, bien reposée d’une nuit fraiche, à 7ham je suis prête à partir en solo (ça m’aura pris environ 1h15 pour déjeuner et plier bagages), avec plus de poids à trainer qu’au départ, puisque Samuel m’a laissé la tente qu’il avait transportée les deux premiers jours. Plutôt que de prendre la route 161 pour rejoindre la 214, je roule sur le rang St-Joseph qui m’offre un chemin tranquille, bordé de champs de fleurs sauvages et de quelques fermettes, avec une vue sur les montagnes qui se dessinent au loin dans des teintes de bleu se confondant dans le ciel. C’est superbe!
Arrivée à Scottstown, je m’arrête à l’épicerie pour une pause et un ravitaillement, car Samuel m’a prévenue qu’ensuite, je ne croiserai aucun commerce pour les quarante prochains kilomètres. On est dans un espace libre de connexion internet ou cellulaire ici!
Quel plaisir de pédaler à travers les paysages de la route 214, en passant par Bury! Je suis charmée, c’est tranquille, et je profite même de quelques descentes. Tout va bien jusqu’à ce que je me retrouve dans deux kilomètres de bitume noir, chaud et encore collant. Dans un statut Facebook, j’écrivais à la fin de cette journée périlleuse:
« Bon bien finalement, mon périple sera écourté de 25 kilomètres!
Initialement, je devais passer deux nuits au camping Prévert à Eaton, et revenir à Sherbrooke mercredi après une boucle de plus de 300km en mode cyclo-camping.
Sauf que…badlucks.
J’ai perdu ma carte de crédit quelque part entre Scottstown et Cookshire, et j’ai roulé 2 kilomètres dans du bitume qui n’était pas encore séché. Résultat: j’ai une grosse couche de goudron sur mes pneus avec plein de roches et de la poussière collées dessus. Mes dix derniers kilomètres ont été pénibles.
N’ayant ni carte de crédit, ni argent comptant, je n’ai même pas pu m’acheter une crème glacée pour me remonter le moral. Arrivée au camping, la dame à l’accueil est bien gentille, mais disons que ce n’est pas mon genre de place. Je me retrouve dans un parking à VR, il n’y a aucun arbre à l’emplacement de ma tente, il y a un groupe de l’âge d’or qui fait de l’aqua-aérobie sur du Justin Timberlake, et l’eau n’est pas potable. Bref. Sam va venir me chercher et je ne suis pas déçue de ne pas passer deux nuits ici. Oh que non!
Je n’aurais pas pu prévoir ces deux malchances, et je reste assez fière de moi: j’ai réussi à rouler entre 80 et 117km par jour, dans les côtes, avec mon stock de camping, pis surtout, dans des températures de 37 degrés! J’ai super bien dormi en tente, j’ai gagné confiance en mes moyens et j’ai plein de projets de vélo pour l’été. Stay tuned.
