La magie de l’automne au Québec est bien connue à travers le monde. Depuis quelques semaines, les médias sociaux sont inondés de photos colorées prises de part et d’autres dans la province. Je fais inévitablement partie des gens qui partagent sur Facebook leurs clichés pris lors de leur dernière randonnée pédestre ou lors de leur aventure cycliste sur les routes bordées d’arbres colorés par une journée chaude d’automne. Après toutes ces années passées au coeur de la métropole montréalaise, hier, pour la première fois, je suis allée me balader en compagnie de ma chère soeur dans le magnifique cimetière du Mont Royal. Ce fut une expérience mystique inattendue au coeur de la cité des morts montréalaise. L’automne superbe était au rendez-vous.
« À l’approche de l’automne, on baisse la voix, au printemps on parle fort. » Félix Leclerc, Le calepin d’un flâneur
Dès mon entrée sur le site, j’ai été émerveillée par la beauté diversifiée des arbres et arbustes qui composent les collines et les vallées de ce cimetière historique. Pour la petite histoire, il s’agit de l’un des premiers cimetières ruraux en Amérique du Nord (incorporé en 1847) et il fut conçu tel un grand jardin. (Pour en savoir plus, je vous invite à visiter le site officiel du Cimetière Mont Royal.)
À la vue des monuments, des obélisques et des statues érigées à la mémoire des défunts, j’ai été happée par cette réflexion: même dans la mort nous ne sommes pas tous égaux. Pour plusieurs personnes conscientes des inégalités sociales, il s’agit d’une évidence. Cependant, pour moi qui n’ait pas l’habitude des cimetières, je n’avais encore jamais réfléchi à cette dernière consécration sociale dans la mort. Ces réflexions se conjuguent d’ailleurs avec ma lecture des derniers jours:
« Chaque individu croit, peut-être avec raison, que le monde commence à sa naissance et se termine à sa mort. Nous refusons d’accepter ce fait, douloureux certes, que le monde a commencé avant nous et qu’il continuera après nous. » Dany Laferrière, L’art presque perdu de ne rien faire
Parenthèse anecdotique: Lors de ma balade entre les stèles, j’ai découvert un phénomène intéressant: certaines personnes, encore vivantes, ont déjà leur nom inscrit sur une pierre tombale qui n’attend que leur date de péremption pour les graver aux côtés de leur famille.
Le cimetière Mont-Royal raconte le passage de près de 200 000 montréalais et montréalaise d’appartenance religieuse, sociale et culturelle diverses. Tel que souligné par Mme Armelle Wolff, conférencière en histoire de l’art et en patrimoine architectural, les cimetières sont beaucoup plus que des lieux d’inhumation. Ils sont également le reflet de cultures, de traditions et de religions qui permettent de connaitre l’histoire d’une ville. Sur le versant nord du Mont Royal, on retrouve à la fois des joyaux architecturaux grandioses et des ouvrages mal conservés. Somme toute, à l’image de Montréal.
Au hasard de mes pas, j’ai croisé quelques canadiens notables, tel que John Molson, ainsi que la section des vétérans, dans laquelle repose plusieurs soldats qui ont reçu le plus haut honneur de l’empire britannique: la Croix de Victoria.
Autant j’écrivais dans les premières lignes de ce billet que même dans la mort nous ne sommes pas tous égaux, autant elle est une fatalité universelle.
« Même si tu recules, tu avances vers la mort. » Félix Leclerc, Le calepin d’un flâneur
Enfin, pour conclure sur cette réflexion automnale, suite à ma visite au coeur de ce grand livre à ciel ouvert, j’écrivais dans un statut Facebook (#jesuisunefilledemontemps):
« Douce balade philosophique au cimetière Mont-Royal aux côtés de ma soeur. Face aux pierres tombales, je repense à ces mots de Dany Laferrière: « Et c’est cela à mon avis le seul sens à donner à sa vie : trouver son bonheur sans augmenter la douleur du monde. » Et puis je me dis: si on choisissait de s’aimer, qu’est-ce qui arriverait? Si on repensait la vie en pensant à la mort, qu’est-ce qu’on deviendrait? «